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Se laisser dérouter

« Nous n’aimons pas être contredits ! » J’espère que vous serez unanimes à le reconnaître avec moi car je serai peiné d’être contredit à ce sujet… Pourtant nous le savons bien, les choses, les événements se déroulent rarement comme nous les avions décidés ou prévus. Les extraits de la Parole de Dieu que la liturgie nous fait entendre ce dimanche nous invitent à accepter d’être déconcertés, déroutés par Dieu dont les chemins et les pensées sont infiniment plus élevés que les nôtres.

Rien que cette « parabole des ouvriers de la onzième heure » comme on la nommait jadis nous laisse dubitatifs.

Elle semble en effet faire l’éloge d’une justice injuste, ce qui, pour nous, est forcément inacceptable.

Oui, nous sommes invités à abandonner notre « logique de comptables » qui nous colle à la peau, et qui nous permet de nous rassurer sur nos mérites et ce qu’ils peuvent nous obtenir. Quand on aime, on ne compte pas, dit le proverbe. Le problème se trouve peut-être là justement. Aimons-nous tant que cela ? Et acceptons-nous d’être dépassés par cet amour de Dieu pour chacun, lui qui aime tant que cela, à la folie ?
Oui, une fois de plus, c’est l’amour de notre Dieu que nous sommes invités à regarder, à contempler.

Cet amour qui est gratuit, qui ne s’achète pas. Dieu aime tous ses enfants également, c’est à dire infiniment, sans mesure. Nous ne « méritons » pas et ne mériterons jamais l’amour de Dieu.

Essayons d’entrer dans cette logique de gratuité qui est celle de Dieu. C’est ainsi qu’il a toujours agi envers nous. « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ». (Matthieu 10 v8). Commençons donc par voir tout ce que le Seigneur a fait pour nous et qu’il continue d’accomplir tous les jours pour nous, sans compter. Il nous a donné la vie, il nous a sauvé en donnant sa vie sur la croix, gratuitement… mais à quel prix !
Oui acceptons de croiser et même de soutenir le doux regard de Dieu qui se pose sur nous. C’est ce regard qui a sauvé tous les grands pécheurs que Jésus a rencontré et remis debout… la femme adultère, Matthieu le publicain, Marie-Madeleine, le bon larron et bien d’autres...

Dieu peut nous dérouter, mais nous ne serons jamais égarés en nous perdant dans ce regard qui nous mène tout droit à son Cœur. Cessons donc de compter pour vivre de l’Amour que Dieu nous propose. Relisons cet extrait du célèbre poème de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, Docteur de l’Église…

Vivre d’Amour, c’est donner sans mesure
Sans réclamer de salaire ici-bas
Ah ! sans compter je donne étant bien sûre
Que lorsqu’on aime, on ne calcule pas !…
Au Cœur Divin, débordant de tendresse
J’ai tout donné… légèrement je cours
Je n’ai plus rien que ma seule richesse
Vivre d’Amour.

Père Franck Zeuschner, sv.