Mais aucun ne sait dire comment il va le faire, quand et jusqu’où. Par principe, ils sont pour la famille, mais qui pourrait être contre ? Surtout si la famille c’est tout et son contraire ! Et dans cette perspective, soutenir la famille signifie simplement récupérer ce qui reste de sécurité affective dans la famille. Ainsi, par exemple, on donne progressivement à chaque parent (pris d’ailleurs individuellement et non pas comme un couple) un pouvoir de contestation de l’institution scolaire, au nom de raisons affectives. On trouve naturel que des parents s’unissent à deux ou trois pour défiler sous les fenêtres de l’école en disant « c’est inadmissible », parce que des enfants ont récolté des mauvaises notes, en raison du fait qu’ils ne sont pas compris par leur professeur, qui est tantôt professeur, tantôt éducateur. Mais en cautionnant ce genre d’initiatives, ce n’est pas la famille que l’on soutient mais on encourage plutôt la prééminence des réactions affectives de la famille aux dépens de l’institution sociale. Finalement, on veut soutenir la sécurité de la famille, sans reconnaître les conditions nécessaires pour qu’elle joue pleinement son rôle social. Ainsi, dans le même numéro de n’importe quel hebdomadaire, on vous fera une page sur la disparition des pères dans l’éducation, et une autre sur les bienfaits du divorce par consentement mutuel devant un secrétaire de mairie, sans percevoir qu’il y a là une contradiction ! D’un côté, on trouve normal que les conjoints puissent s’unir et se désunir selon leurs désirs, et de l’autre on crie au secours parce que l’autorité parentale a disparu ! Mais il est difficile à ceux qui nous proposent cette lecture de voir que ces questions se rejoignent, parce que l’on ne fait pas appel au même expert. Aujourd’hui, vous trouverez toujours un expert pour vous expliquer qu’il n’y a pas assez de pères –ou de mères- et un autre pour vous montrer qu’il y en a trop. Un autre expert vous présentera une étude faite auprès de personnes homosexuelles ayant élevé des enfants dont les conclusions montrent qu’ils sont mieux élevés que la moyenne, sans vous dire que ce sont les parents que l’on a interrogé, en laissant croire que les réponses venaient des enfants…
Cardinal André Vingt-Trois, Samedi 2 Juin 2012, Milan