La première lecture de cette année nous fait assister au récit même du drame. Ne laissons pas dire que le dogme du péché originel serait une élaboration tardive, sans fondement dans le texte biblique. Le rédacteur, qui connaissait les mythes de l’ancien orient, aurait pu, comme eux, noyer l’homme dans la création animale et nous dire que le péché est une déficience congénitale. Lui, au contraire, cherche une origine ailleurs que dans la nature. Seul il mentionne, à côté de l’arbre de vie bien connu des anciens, un « arbre de la connaissance du bien et du mal », prouvant que l’avenir de l’homme, son sort définitif, dépend d’une orientation de sa liberté non acquise d’avance. Il pointe donc du doigt un évènement enfoui dans le passé de l’humanité, un traumatisme premier qui explique toute la suite : l’homme coupé de Dieu retombant dans une mortalité dont l’appel divin l’aurait tiré, la triste solidarité dans l’échec et le recroquevillement progressif d’une humanité voulue pour une autre destinée.
Saint Paul retrouve notre première solidarité avec Adam à partir de la seconde, celle qui nous lie au Christ.
Il a suffisamment perçu la force de la Rédemption pour cerner de façon lumineuse la situation à laquelle elle porte remède. Le sort de l’homme ne se résout pas au plan individuel : si l’homme souffre, s’il est mauvais, sa liberté n’est pas seule en cause, sinon il aurait suffi de dire à l’homme ce qu’il devait faire et le mal se serait résorbé depuis longtemps. Saint Paul a fait l’expérience de ce que la Loi n’y suffisait pas, seul le Christ en plongeant en plein coeur de la condition humaine, dans ses profondeurs abyssales, a pu nous arracher potentiellement à cette fatalité du mal et de la mort.
Père Michel Gitton ( dans « Dimanche en Paroisse »)